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Journal extime
23 janvier 2006

Insignifiance aux premiers abords

Autour d’une table.

Comme il en existe ailleurs. Ici à la faveur d’un mariage. Des prénoms vite annoncés, la plupart oubliée. Les silences par à coups, mon propre silence en prime. R.

Bavard. Imposant. Amusant sans cette impression de surfait de ceux qui parviennent à en imposer. M. à ses côtés. Curieux assemblage dont on a l’impression que seul l’amour fait partage. Elle aurait pu se dissimuler derrière ses excès à lui, y trouvant un commode affichage. Elle aurait pu se complaire derrière la mise en garde, la prévention de ses excès – comme on le voit souvent. Rien de tel pourtant. Elle semblait plutôt les encourager.

Un garçon au prénom oublié. Ultime spectateur, spectateur jusqu’à l’ultime. Se taisant souvent. Ne s’essayant à aucun mot d’esprit. Un sourire qui m’a rappelé L. Un regard dans le vague.

            A ses côtés, des essais. Un assujetti s’essayant aux propos. Des objets en guise de parade. Une gourmette. Une bague. Un briquet étincelant pour n’allumer aucune de ses cigarettes. Un téléphone à clapet.

            Une table plus loin, un couple en affichage. Les lunettes et les lèvres ourlées du grand loup. Le large sourire en invitation. Une fille à son bras quand il le lui tendait. Une fille qu’il semblait parfois afficher. Une rousse aux bas fumés, à la robe courte, aux jambes déliées. Elle semblait annoncer son départ. Il semblait se passionner à discuter avec quelques hommes. Alors elle s’éteignait. Ne dissimulant rien de son ennui. Un homme venait alors l’inviter à danser. Elle rayonnait. Jusqu’à donner l’impression d’un adultère annoncé, d’autant plus piquant que l’abusé donnait à tous le spectacle de son apparent aveuglement. Maintes fois la scène s’est reproduite. Les hommes se succédaient. Il leur suffisait de lui parler. Son homme même y parvenait. Elle ne lui montrait pas ombrage. Elle avait juste besoin d’un regard pour s’illuminer.

            Moi silencieux, m’est venue à l’esprit cette sentence idiote : « J’aime les gens ». Les êtres en quelques traits, de ce qu’ils peuvent laisser deviner. Autant Romain que son spectateur au sourire silencieux. Pas tant l’esbroufe que le trait.

            Et ceux que je n’aime pas ? Ceux qui me laissent indifférents….Le statut de leur insignifiance. Leur présence n’est pas en cause – leur capacité à se signaler. Ce qu’ils auraient à dire pas davantage. Il en va parfois d’un simple mouvement du corps.

            Les êtres insignifiants. Le marié de ce soir là. Une gentillesse vide jusqu’ au sirupeux. Le paradeur en ses objets.

            Un ensemble de gestes peuvent suffire. L’insignifiance des propos de N. Ce recul et se sourire qui accompagnent un retrait violent du buste qui suffit pourtant. Qui suffit à l’arracher à l’insignifiance de nombre de grands bavards.

            

            Les gens tels qu’ils peuvent se donner en répertoires.

            

Sur le rebord d’un lit.

            Et de me rappeler le malentendu du désir. N. et S. sur le rebord d’un lit. Ma fascination pour S. Des reculs brusques, des accès de rire, du lumineux souvent. N. en retrait feint. Tout en maîtrise sur une arrière scène frauduleuse. Et mon désir qui a fini par se leurrer au spectacle de l’insignifiance.

Dans un lit.

           A. me parlait de L. B. Je lui tenais la main. En quelques mots elle évoquait un homme que j’aimai brusquement par cette entremise. Souvent j’ai pensé que notre histoire ne valait que pour motif littéraire – mettre des mots sur cette scène là.

Hors du lit.

hopper_1909___summer_interior

Hopper – Summer Interior – 1909

           Le drame de mon histoire en compagnie de N. c’est que je me suis résolu à l’insignifiance. Je m’y suis abandonné. Je l’ai recherchée. Le tragique du deuil à en faire c’est que ne demeure aucune prise. Qu’en dire ? De quoi se souvenir ? Ne me reste aucun motif littéraire comme matière à consolation. Aucun bord de table, de bord de lit, de lit habité. 

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