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Journal extime

6 février 2006

Rebonds en- guise de- vie Dans le même numéro des

Rebonds en- guise de- vie

            Dans le même numéro des Inrockuptibles une en-vie de lire et un rebond.

            inroks_n__5311

            Les Inrockuptibles, n° 531-1er au 7 février 2006.

            « Les gueules de l’emploi » par Serge Kaganski, {26-29} ; « Garnier, le maquisard » par Serge Kaganski, {30-31} à propos de (En-vie) : Garnier Philippe, 2006, Caractères. Moindres lumières à Hollywood, Paris, Grasset, 487 p., 21€90.

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          Sur les seconds voire énièmes rôles de Hollywood : « ceux que l’on a vus dans des dizaines de films, mais pas plus de cinq minutes ou dans deux ou trois scènes seulement. » {28} – l’occasion de « refaire l’histoire du cinéma américain sous un angle oblique » {28}.

            Rebond : l’une de ces gueules qu’on n’oublie pas. Un nom qui échappe. Tiens c’était le frère de celui qui les Hauts de l’affiche. Chris Penn. Le frère de l’autre. {12}. Entrefilet nécro.

            

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10 octobre 1965-24 janvier 2006.

            

            Dans Short Cuts (Altman – 1993)…Jerry.

Bear. Le meurtrier par impuissance.

Sa femme gagne sa vie au téléphone. Des mots crus. La voir simuler des bruits d’orifice, le combiné coincé sur l’épaule tandis qu’elle change Junior. Ces hommes qui y croient, qui veulent y croire, qu’elle excite sans doute, tandis qu’elle n’y est pas. Impassible. A ses tâches ménagères, notant la durée des appels pour les débits. Jerry lui dit sa gêne. En présence des enfants. Ils ne peuvent comprendre lui assure-t-elle. C’est une autre gêne. Parfois ne pourrais-tu me dire ce que tu dis au téléphone. Fin de non-recevoir. Toi tu es mon Nounours. You want to fuck ? C’est ça ? 

Son ami qui l’excite. Il y croit. Il invente d’improbables orgies dans les arrières studios des sous-fifres. D’autres mots, la même comédie. Jusqu’à ces deux jeunes filles. Cette impuissance des mots. Une pierre saisie.

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23 janvier 2006

Insignifiance aux premiers abords

Autour d’une table.

Comme il en existe ailleurs. Ici à la faveur d’un mariage. Des prénoms vite annoncés, la plupart oubliée. Les silences par à coups, mon propre silence en prime. R.

Bavard. Imposant. Amusant sans cette impression de surfait de ceux qui parviennent à en imposer. M. à ses côtés. Curieux assemblage dont on a l’impression que seul l’amour fait partage. Elle aurait pu se dissimuler derrière ses excès à lui, y trouvant un commode affichage. Elle aurait pu se complaire derrière la mise en garde, la prévention de ses excès – comme on le voit souvent. Rien de tel pourtant. Elle semblait plutôt les encourager.

Un garçon au prénom oublié. Ultime spectateur, spectateur jusqu’à l’ultime. Se taisant souvent. Ne s’essayant à aucun mot d’esprit. Un sourire qui m’a rappelé L. Un regard dans le vague.

            A ses côtés, des essais. Un assujetti s’essayant aux propos. Des objets en guise de parade. Une gourmette. Une bague. Un briquet étincelant pour n’allumer aucune de ses cigarettes. Un téléphone à clapet.

            Une table plus loin, un couple en affichage. Les lunettes et les lèvres ourlées du grand loup. Le large sourire en invitation. Une fille à son bras quand il le lui tendait. Une fille qu’il semblait parfois afficher. Une rousse aux bas fumés, à la robe courte, aux jambes déliées. Elle semblait annoncer son départ. Il semblait se passionner à discuter avec quelques hommes. Alors elle s’éteignait. Ne dissimulant rien de son ennui. Un homme venait alors l’inviter à danser. Elle rayonnait. Jusqu’à donner l’impression d’un adultère annoncé, d’autant plus piquant que l’abusé donnait à tous le spectacle de son apparent aveuglement. Maintes fois la scène s’est reproduite. Les hommes se succédaient. Il leur suffisait de lui parler. Son homme même y parvenait. Elle ne lui montrait pas ombrage. Elle avait juste besoin d’un regard pour s’illuminer.

            Moi silencieux, m’est venue à l’esprit cette sentence idiote : « J’aime les gens ». Les êtres en quelques traits, de ce qu’ils peuvent laisser deviner. Autant Romain que son spectateur au sourire silencieux. Pas tant l’esbroufe que le trait.

            Et ceux que je n’aime pas ? Ceux qui me laissent indifférents….Le statut de leur insignifiance. Leur présence n’est pas en cause – leur capacité à se signaler. Ce qu’ils auraient à dire pas davantage. Il en va parfois d’un simple mouvement du corps.

            Les êtres insignifiants. Le marié de ce soir là. Une gentillesse vide jusqu’ au sirupeux. Le paradeur en ses objets.

            Un ensemble de gestes peuvent suffire. L’insignifiance des propos de N. Ce recul et se sourire qui accompagnent un retrait violent du buste qui suffit pourtant. Qui suffit à l’arracher à l’insignifiance de nombre de grands bavards.

            

            Les gens tels qu’ils peuvent se donner en répertoires.

            

Sur le rebord d’un lit.

            Et de me rappeler le malentendu du désir. N. et S. sur le rebord d’un lit. Ma fascination pour S. Des reculs brusques, des accès de rire, du lumineux souvent. N. en retrait feint. Tout en maîtrise sur une arrière scène frauduleuse. Et mon désir qui a fini par se leurrer au spectacle de l’insignifiance.

Dans un lit.

           A. me parlait de L. B. Je lui tenais la main. En quelques mots elle évoquait un homme que j’aimai brusquement par cette entremise. Souvent j’ai pensé que notre histoire ne valait que pour motif littéraire – mettre des mots sur cette scène là.

Hors du lit.

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Hopper – Summer Interior – 1909

           Le drame de mon histoire en compagnie de N. c’est que je me suis résolu à l’insignifiance. Je m’y suis abandonné. Je l’ai recherchée. Le tragique du deuil à en faire c’est que ne demeure aucune prise. Qu’en dire ? De quoi se souvenir ? Ne me reste aucun motif littéraire comme matière à consolation. Aucun bord de table, de bord de lit, de lit habité. 

16 janvier 2006

Le temps de la recherche

Pierre Joliot aux « Matins » de France Culture.

            Une langue approximative. L’essentiel pourtant dit. La recherche comme terre de jeu, de risque, de contestations.

            Des mises en garde vouées à ne pas être entendues. La créativité toujours à la marge, là où l’évaluation s’efforce de récompenser le trop connu. Le sujet à la mode comme annonce de sa proche désuétude. Le temps nécessaire à la création.

            Et tout ce temps perdu à d’infécondes réunions. Aux stériles évaluations à courtes vues. Ces petits calculs de cumuls.

            A lire : Pierre Joliot, La recherche, passionnément, Paris, Odile Jacob, 2001. 

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16 janvier 2006

L'épuisement du public

L’épuisement du public

            Raccourci des temps. Davantage de blog que de lecteurs. Ils étaient quelques-uns à écrire, peu à lire. Désormais tant à écrire pour un lecteur bientôt introuvable. Le triomphe de l’expression dans l’épuisement du public ?

            Je crois pouvoir désormais me satisfaire de ce grand vide.

            

Postures d’immortalité :

-         écrire pour soi en préparant les œuvres complètes. Prétendre à ce que le moindre de ses écrits vaudra recueil quand l’œuvre sera advenue. Mais si l’œuvre n’advenait pas ?

-         publier au plus tôt, s’assurer d’emblée une publicité. Parier que les plus rapides propos vaudront pour œuvre de jeunesse. Publier y compris dans la plus étroite des tribunes. Prétendre au tout un jour rassemblé en dits et écrits. Mais quand on sait ce que valent ces impromptus, ces menstrues (Ponge), comment les imposer à tout va ?

-         Correspondre. Faire de ses amis les premiers lecteurs. Se donner d’emblée l’autre comme condition de l’écriture au point d’en faire un alibi. Prétendre au recueil des correspondances complètes. Mais c’est supposer que le correspondant accepte de se faire auteur – sans cela, il n’est qu’adressage.

Mais pourquoi écrire ? La perte et le trop plein comme révélation de l’urgence.

Le trop plein. Quand N. m’a quitté j’ai mesuré avec effroi que de moi elle ne dirait rien. Un quelconque j’ai vécu. Un garçon. Une raison sociale. Un âge. Une période. Quelques traits de caractères qui apparaîtront à la faveur d’une colère. J’ai mesuré ce que je ne pouvais que savoir. D’un précédent que savais-je sinon qu’il pressait le pas en oubliant de l’attendre ? Panique succédant à d’épuisantes colères, je lui avais transmis tous mes cahiers. Espérant vainement qu’elle me lise, qu’elle me lise enfin. Pour témoigner sans doute. Elle n’a guère lu que quelques pages. J’ai bien vite récupéré mes cahiers.

Le trop plein en guise de gouffre. Si je venais à mourir, qui pourrait témoigner ? Ce que je fus (Michaux)…Non pas le dernier mot, mais les mots en parcours, leurs ratés, leur impuissance…et la vie en rabats, ses lâchetés, ses travers, ses orgueils et ses réussites. Le lecteur en somme. Le lecteur ultime – le fils – pour cette union sans enfants.

La perte. Depuis des années j’ai remisé mes cahiers. Le clavier en guise de plume. La semaine dernière j’ai perdu tout le contenu de mon disque dur. C’est comme si avaient brûlé tous mes cahiers. Sauf que j’en avais fait copie. Il y avait quelques mois. J’ai perdu peu croyant perdre tout. Mais j’ai perdu beaucoup en perdant tout simplement. La prétention à l’édition ne tient peut-être qu’à cela : l’archivage en quelques lieux, multiples, mettant à l’abris de quelques incendies. De ces quelques mois ne reste que ce qui fut diffusé. Les correspondances et les publications sur Internet.   

Choix de la posture : n’écrire que pour les publications autorisées – qui demeurent fidèles au papier ; inonder de correspondance ; reprendre l’écriture pour soi au péril de la perte – la perte du lecteur comme on perd la promesse d’un témoin, la perte des données.

Le blog comme congé donné au lecteur. Assurément. Des mots pourtant au-delà de soi – car cela reste ce qui se joue dans l’écriture. Car si le lecteur risque de demeurer à jamais en suspend, au moins peut demeurer l’archive.

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